Huile de palme bio

Mise à jour : 28 février 2013

Si vous prenez le train en marche, le résumé qui suit vous est destiné afin de vous éviter la lecture d’une trentaine d’articles dont vous trouverez la liste à la fin de cet article. Si vous êtes très pressé sautez directement au premier article quitte à compléter ultérieurement.

Commençons par planter le décor et présenter les protagonistes.

Origine : l’huile de palme bio que nous retrouvons dans les produits alimentaires mais également dans les cosmétiques et les produits d’entretien provient de Colombie, des environs de Santa Marta dans la région (géographique) des Caraïbes (cf. « La région de Santa Marta »).

Producteur : groupe Daabon, du nom de ses propriétaires Davila Diaz Granados + Abondano (cf. « Mais qui est donc ce Daabon ? »). Depuis cet article le tableau n’a fait que se noircir.

Importateur : société Jules Brochenin dont le responsable pour l’huile de palme est Diego Garcia. Pour se faire une idée du personnage et de son rôle dans cette histoire on peut commencer par un vieux N° de Consom’action (N°36), celui qui nous a permis d’ouvrir ce dossier. Avec délices on y relèvera le nom de son interlocuteur du moment, un certain Manuel Julian Diaz Granados dont il sera souvent question par la suite. DG a également un blog et quelques clones pour essayer de justifier l’injustifiable. Nous avons gardé le meilleur pour la fin : une photo de l’article « Mais qui est donc ce Daabon ? ») qui résume à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur ce monsieur.

Certificateur : Ecocert ou l’art de certifier sans état d’âme (cf. « Une aventure inédite de l’inspecteur Colombio »)

Principales marques de distributeurs d’huiles et margarines à base d’huile de palme bio : Philippe Vigean, Emile Noël, Markal, Vitaquell, Rapunzel, etc. ; présents dans les principaux circuits de distribution bio. A noter que les produits en question ne sont jamais mis en avance sur les sites de ces producteurs, comme s’il s’agissait d’un produit honteux. C’est effectivement le cas ! Il est vrai que lorsqu’on prétend faire des huiles de qualité, s’abaisser à utiliser de l’huile de palme n’est pas très glorieux, mais l’argent n’a pas d’odeur c’est bien connu.

huilde de palme bio Vigean

probablement la marque la plus répandue dans les magasins spécialisés

Distributeurs bio concernés : tous les grands réseaux sans exception sauf quelques magasins ici et là à des degrés variables. Néanmoins, l’un deux se distingue par son insistance à défendre ce produit coûte que coûte : Biocoop. La Vie Claire le suit pas loin derrière.

Petits noms doux de l’huile de palme : l’huile de palme apparaît rarement sous son vrai nom, on lui préfère « huile végétale » ou « graisse végétale » plus neutre. Ensuite vient toute une série de termes techniques plus ou moins alambiqués dans lesquels on retrouve au moins la racine « palm » ; jusque là c’est facile. Ensuite pour les noms d’autres substances synthétisées à partir du fruit du palmier à huile nous vous conseillons le blog d’Adrien.

La problématique de l’huile de palme bio de Colombie

Il ne s’agit pas de discuter la certification bio de cette huile de palme (sur ce point nous n’avons aucun doute), ni ses effets sur la santé (ceci n’est pas de nos compétences) mais le fait qu’il s’agit d’un produit issu d’un groupe agro-industriel aux pratiques peu compatible avec l’idée que nous nous faisons du bio.

On pourrait résumer la question par : avons-nous le droit de consommer n’importe quoi sous prétexte que c’est certifié bio, ou équitable, ou plus vert que vert, etc. sans nous poser de questions alors que les pratiques du producteur sont bien documentées et dénoncées dans son pays d’origine ? C’est sur ce point précis que porte notre apport. A partir de là nous touchons nécessairement à d’autres questions plus générales mais que nous explorons dans le contexte que nous connaissons et qui peuvent se regrouper en trois catégories principales :

  1. L’accaparement des terres des paysans à des fins agro-industrielles ; mécanismes et conséquences sociales et environnementales en Colombie. L’exemple de las Pavas.

  2. Biocoop : simple erreur de casting ou échec collectif ?
  3. A qui profitent les certifications ? Ou l’art du compromis.

L’accaparement des terres

Pour que les choses soient bien claires il faut replacer cette affaire dans son contexte général. Avec ses 6 et à terme 10 millions d’hectares de palmier, La Colombie n’est qu’un « petit » producteurs d’huile de palme, très loin derrière les deux géants que sont l’Indonésie et la Malaisie. Même en convertissant toutes les terres qui s’y prêtent à cette culture, cette hiérarchie ne peut pas être remise en cause. De même, la production d’huile de palme bio est négligeable devant celle d’huile de palme conventionnelle, que ce soit à l’échelle internationale ou en Colombie. Tous ces chiffes sont bien connus. Mais quand bien même ces écarts seraient encore 1000 fois plus grands, cela ne changerait strictement rien à la question posée ci-dessus et encore moins au sort des paysans concernés en Colombie. Est-ce que le « sacrifice » de la Colombie permettrait de « sauver » l’Indonésie ? Bien sûr que non ! Sinon le problème ne se poserait même pas. Donc tout compte d’apothicaire visant à minimiser cette affaire d’huile de palme bio de Colombie au regard de la situation internationale de l’huile de palme en général n’est que prétexte à ne rien faire, c’est ce qu’on appelle se débiner pour ne pas dire faire preuve de lâcheté ordinaire.

De manière générale, l’essor de l’huile de palme en Colombie est relativement récent et absolument indissociable du phénomène paramilitaire ; pour une étude exhaustive se reporter à l’excellent rapport produit par HREV (rapport disponible en français, anglais et espagnol). Le gros intérêt de l’huile de palme par rapport à d’autres monocultures à grande échelle, comme la banane par exemple, est sa forte rentabilité et surtout le fait qu’elle demande peu de main d’oeuvre, 10 fois moins que la banane. On peut donc vider les campagnes sans crainte de pénurie de main d’oeuvre et moins on en a besoin, plus il est facile de la contrôler. Pour parfaire le scénario, la Colombie a mis au point une stratégie de « coopératives » donnant l’illusion que les petits paysans sont maîtres chez eux. En réalité ils sont pieds et mains liés aux grands industriels et cette astuce permet d’en faire des esclaves modernes en toute légalité, quand ce n’est pas avec les félicitations de la communauté internationale pour peu que la com soit bien faite. Les confessions du chef paramilitaire « HH » (cf. Impunity) ont été très claires à ce sujet : leur mission était d’éliminer les syndicalistes et autres leaders paysans pour empêcher tout mouvement de révolte dans les plantations. Et ça marchait, bien sûr. La soif de terres a été telle que le recours aux paramilitaires pour vider les campagnes par la terreur s’est présenté comme « la » solution la plus expéditive.

Personne ne s’en est privé mais pour des acteurs historiques comme Daabon, des vieilles familles expertes dans l’art de contrôler leur territoire depuis des générations, pas question de se tacher les mains en public. Pour cela il y a des seconds couteaux. Chez ces gens là, la partie visible de l’iceberg ce sont ses gens placés aux postes clés des différentes collectivités territoriales et autres institutions locales sachant qu’on est jamais si bien servi que par soi-même. Mais le contrôle d’une vaste région n’est rien sans des bras de leviers à l’échelle nationale. Heureusement ce n’est pas n’importe quel roturier qui peut devenir président de la république. On reste en terrain connu, le lien familial ou autre peut demander quelques sauts de branche d’arbre généalogique mais globalement on est du même monde et de temps à autre ce lien est plus direct. Le lien entre Uribe et Daabon était assez direct, celui avec Santos est moins bien documenté ; pour le moment. Uribe n’a pas été un président franchement ordinaire. Il a à son actif une longue liste de hauts faits : déjà responsable de la légalisation des « gardes privés » (paramilitaires appelés les « convivir ») lorsqu’il était gouverneur de Medellin dans les années  90′, il a été l’artisan de la démobilisation officielle des paramilitaires une fois le gros du travail achevé. Le gros bonnets s’en tireront au pire avec quelques années de prison aux Etats-Unis vers où ils ont été extradés (pour couper court à leurs confessions à la justice colombienne). Les autres se sont vus remerciés avec une pension de l’état qui leur permet de voir venir. Ainsi, il n’est pas rare qu’une victime réduite à la mendicité croise son tortionnaire, pensionné de l’état. Uribe a été celui qui a réduit la guérilla à un niveau suffisant pour que les grands industriels aient le champ libre sur de vastes territoires, sans toutefois l’anéantir pour justifier le bridage des libertés individuelles. Uribe a fait modifier la constitution afin d’assurer sa réélection et son troisième mandat a été évité de peu. On peut dire que sous Uribe la corruption a atteint des sommets tout comme le nombre de paysans chassés de leurs terres : 4 M de déplacés, en bonne partie à cause de l’huile de palme cette dernière décennie. Des chroniqueurs prévoyaient la mise en coupe réglée de l’état par les paramilitaires, le contrôle de tous les médias, etc. Il semble qu’on en soit pas arrivé là. Il faut dire que la société civile possède une capacité de résistance remarquable en Colombie. Néanmoins, les prises de positions récentes d’un des plus haut magistrat du pays montre bien que la pieuvre a infiltré toutes les strates de l’état.

C’est donc dans ce contexte qu’a éclaté l‘affaire las Pavas. C’est l’histoire banale d’une communauté paysanne dépossédée de ses terres à plusieurs reprises, un cas comme il en existe des milliers en Colombie. Sauf que dans ce cas, les terres convoitées furent acquises par deux entreprises dont le groupe Daabon (selon certains, l’autre entreprise n’est qu’un satellite du même groupe, mais officiellement il n’y a aucun lien). Au moment où éclate cette affaire, Daabon est loin d’être un inconnu. Pour un bref CV du groupe on se reportera à l’article qui leur est consacré (Mais qui est donc ce Daabon ?).

En plus d’activités agricoles conventionnelles, y compris l’huile de palme bio, Daabon valorise le contrôle de son territoire en orientant ses efforts vers de nouveaux marchés très lucratifs comme les biocarburants et le tourisme.

usine de biodiésel d'huile de palme du groupe Daabon

la plus grande usine de biodiesel d’Amérique du Sud, la fierté nationale

marina internationale de Santa Marta

Un premier maillon pour contrôler le marché du tourisme de luxe dans la région de Santa Marta: la marina internationale de Santa Marta (d’après El Espectador du 14 janvier 2012)

Il faut bien comprendre que cette affaire éclate sur la fin de règne d’Uribe et ce n’est pas par hasard. Il faut faire vite pour se répartir les dernières galettes comme l’AIS par exemple, un plan sensé venir en aide aux petits paysans ; mais la précipitation est mauvaise conseillère (cf. Scandale de l’AIS : Daabon & co doivent rembourser). Sous la pression des ONGs, Bodyshop, un gros client britannique de Daabon dénonce son contrat. Dans la presse colombienne, c’est l’hallali, même le ministre de l’agriculture y va de ses critiques, soit une situation franchement ubuesque, surtout en Colombie ! Les premiers temps de la transition Uribe – Santos, l’étoile de Daabon semble avoir pris un sale coup. C’est devenu l’archétype du vilain petit canard qui s’est fait prendre la main dans le sac, ce qui lui vaut désormais une notoriété dont Daabon se serait bien passé, en Colombie et dans le monde.

Néanmoins les lenteurs de l’administration Santos sont vite devenues suspectes. Devant cet immobilisme, la communauté de las Pavas a décidé de revenir pacifiquement sur ses terres, forte d’une injonction de la Cour Suprême ordonnant à l’état la restitution de leurs terres à ces paysans (cf. Las Pavas : première victoire officielle contre Daabon, Las Pavas : un retour à hauts risques et Retour à Las Pavas : vidéo de Contravia). De toute évidence l’état joue le pourrissement de la situation. Les manoeuvres se multiplient pour rendre la vie impossible aux paysans pendant que la conversion de leurs terres se poursuit à toute allure. Remettre le milieu en état coûterait de toute manière une fortune étant donné l’ampleur des travaux effectués dans ce qui est une zone inondable naturelle très importante du bassin du fleuve Magdalena. Au vu des derniers rebondissements (cf. ci-dessous) il y a peu de chances que la communauté de las Pavas se voit reconnue dans ses droits dans un avenir proche.

Biocoop

En deux mots, depuis le début de cette affaire Biocoop soutient mordicus qu’il n’y a absolument rien à reprocher à Daabon, des entrepreneurs aux préoccupations sociales et environnementales exceptionnelles (nous résumons). Tout le monde a le droit de se tromper mais ce qui distingue Biocoop de ses concurrents c’est cette insistance à défendre cette huile de palme comme si l’avenir du monde en dépendait. Au point de pratiquement sommer ses collègues et concurrents distributeurs de faire bloc pour s’opposer de toutes leurs forces à la remise en cause du bien-fondé de l’utilisation de l’huile de palme bio. La consigne est de marteler que cette huile est bio (ce qui est vrai), responsable si ce n’est équitable (!), n’a pas conduit à la destruction de forêts primaires (là encore c’est vrai, la destruction doit remonter à un bon demi-siècle si ce n’est deux), etc. Surtout bien rester en ligne, ne pas sortir du champ strict du produit. Cette débauche d’énergie, les méthodes et les mots employés nous renvoient tout droit à des heures sombres de l’histoire et posent de nombreuses questions. S’y ajoute une sorte de plaisir masochiste à se ridiculiser en public, comme au dernier salon Marjolaine, qui est aussi une énigme. Bref, l’ensemble est tout à fait disproportionné et pour le moins suspect. En tous cas cela révèle au grand jour un profond malaise interne que l’on ne peut circonscrire à la seule direction, comme si elle avait été parachutée contre l’avis de tous. La relative indifférence des acteurs de base du réseau (à quelques exceptions près) est d’ailleurs absolument remarquable et bien entendu elle fait partie intégrante du problème. Autrement dit le ver est dans la pomme depuis longtemps et tout le monde ou presque est concerné.

Aujourd’hui, ce qui différencie Biocoop de la plupart de ses concurrents c’est avant tout le discours. Né de ce que l’on appellerai aujourd’hui une initiative citoyenne (à l’époque on disait plutôt militante), tout à fait louable au demeurant, Biocoop en a conservé le discours mais en le vidant de l’impulsion politique que les pionniers lui avaient donné pour en faire une simple option de marketing. La signature Biocoop c’est un alignement d’images d’Epinal sur les OGM, le commerce équitable, etc. C’est pas cher et qui sait, ça peut peut-être rapporter gros.

Que s’est-il donc passé depuis les débuts ? Le bio a fait une entrée fracassante dans la grande distribution et si au début personne n’y croyait, aujourd’hui, en termes de volume c’est bien elle qui fait l’essentiel. D’une certaine manière cela a contribué à élargir la base sociale du bio, mais surtout le nombre de consommateurs plus ou moins réguliers. De scandale en scandale il est devenu plus évident pour beaucoup que manger bio c’est mieux pour sa santé. L’extension de tous les réseaux spécialisés s’est nourrie de ces peurs et de cet engouement pour sa santé, quitte à l’aider un peu. On est donc effectivement bien loin des motivations initiales qui plaçaient la barre un peu plus haut. Et la compétition s’accentuant il s’en est suivi une course au discount, l’introduction de méthodes de gestion et de management identiques à celles utilisées dans la grande distribution avec exactement les mêmes débordements. Bref, les fameuses « valeurs », dont le service de communication de Biocoop aime tant se gargariser, se sont peu à peu effritées devant un pragmatisme économique tout à fait ordinaire.

Avant cette affaire d’huile de palme bio il y avait bien eu ici et là quelques coups de gueule pour dénoncer ces dérives mais cela restait essentiellement des histoires de linge sale lavé en famille qui finalement touchaient peu le grand public. Nous-mêmes, familiers d’un certain nombre de magasins, étions loin de nous douter que la direction de Biocoop pourrait se lancer dans une telle démarche suicidaire. C’est désormais au personnel, aux sociétaires, aux amis de Biocoop d’en tirer les leçons. Il paraît que ça gamberge dur en ce moment ; nous sommes ravis de l’apprendre. Mais il faudra bien plus qu’un simple changement de direction ou un ripolinage du logo pour remettre le réseau dans une direction telle que son discours redeviendrait légitime, dans une recherche d’alternatives aux standards de la distribution. Certains pensent qu’il est encore possible de récupérer cet outil avant qu’il implose. C’est possible, nous espérons que ce ne sera pas un piège pour de pieuses énergies qui seraient mieux employées à d’autres tâches. Nous sommes nettement plus confiants dans une nouvelle génération d’épiceries alternatives qui se construisent sans tambours ni trompettes sur des bases plus solides, en ayant une meilleure idée des écueils à éviter. Quoiqu’il en soit le minimum que l’on puisse attendre de la planète Biocoop c’est une analyse en forme de mea culpa qui démonte les mécanismes qui ont pu la conduire à son état actuel, de virages en virages. L’essentiel se trouve dans : Grand Prix de l’Autruche pour Biocoop, Pan sur le bec !, La palme d’adieu de Biocoop et Biocoop et la presse sans oublier les dérives de la bio.

Les certifications

A quoi servent les certifications ? A nous informer que tel ou tel produit est conforme à un cahier des charges bien sûr ! Ceci est la réponse « normale », celle que l’on attend de tout « consommateur » bien informé ; ou plutôt bien formé car on peut aussi voir les choses autrement.

Une certification sert avant tout à vendre là où on ne peut pas vendre sans cette certification : c’est avant tout un avantage concurrentiel pour s’adresser à un « marché de niche ». Par exemple on ne peut pas vendre de produits non certifiés bio dans des magasins spécialisés en bio, par convention. Peu importe que le produit soit plus bio que bio, s’il n’est pas certifié il est interdit de séjour, c’est tout. A l’inverse, on ne demande rien de plus à un produit « certifié bio » que d’être bio, c’est à dire aussi peu préoccupant que possible pour sa santé et rien de plus. Prenons un exemple plus proche de chez nous : imaginons une mozarella produite par une entreprise liée à la mafia napolitaine ; rien ne s’oppose à ce quelle soit certifiée bio. Pour l’huile de palme de Colombie, c’est pareil. Peu importe les activités et agissements de Daabon, pourvu que son huile de palme réponde aux exigences du cahier des charges bio, c’est gagné. Et tout le monde est content, du producteur au distributeur en passant par le certificateur et les transformateurs ; tous ont intérêt à se serrer les coudes  (cf. Une aventure inédite de l’inspecteur Colombio). Et certifier un petit bout de jardin est un effort très productif en terme d’image. Aussi médaillée qu’un général de l’ex-URSS, on se dit qu’une telle entreprise est forcément au-dessus du lot et du coup le petit bout de jardin profite à l’ensemble des activités ce qui peut permettre d’ouvrir certaines portes supplémentaires.

Voilà les limites, les contradictions et les dangers des certifications. Car ce n’est pas propre à la certification bio bien sûr. La certification RSPO (huile de palme « raisonnable ») a le mérite d’être une initiative d’industriels ; au moins les choses sont plus claires. Face aux reproches, l’industrie du palmier à huile a réagi en créant un label pour s’adresser aux marchés dits sensibles. En fait il s’agit de corrections cosmétiques pour faire passer la pilule et continuer à produire de plus belle sans jamais toucher aux fondements de ce business si lucratif. Pour que la mayonnaise prenne il faut quelques ingrédients indispensables : des organismes scientifiques comme le CIRAD, des cautions environnementales comme le WWF ou sociales comme Oxfam International, etc. et hop le tour est joué ! Il n’y a plus qu’à attendre que le WWF fasse le boulot de médiatisation avec son petit classement des bons et des mauvais élèves et peu à peu on amène le public à modifier sa perception du problème. Peu à peu, c’est la base de la manipulation d’opinion. Pour en savoir plus nous vous recommandons fortement la lecture de « L’industrie du mensonge » de J. Stauber et S. Rampton (Ed. Agone, 2004) ; il y est d’ailleurs déjà question du WWF, bien avant le pamphlet de F. Nicolino. A ce sujet il nous reste à commenter un récent rapport du WWF France à propos de l’huile de palme RSPO. Le rapport n’est pas inintéressant, loin de là, mais comme il faut bien justifier les choix de la maison on y retrouve des arguments que nous connaissons bien dans la bouche des industriels du secteur. Ca fait désordre.

Les dernières nouvelles

Novembre 2011

La situation à las Pavas est de plus en plus tendue avec les planteurs et les « ex » paramilitaires toujours en place qui bloquent l’aide alimentaire, organisent la division des paysans et cherchent à créer des incidents. Tout cela est à l’image de la situation générale du pays, fort bien décrite dans le film « Impunity« . Pendant ce temps là, tout va bien pour Daabon, merci pour eux (cf. leurs dernières aventures dans les Caraïbes).

Décembre 2011

Attaque d’une ampleur sans précédent contre tous les défenseurs des droits de l’homme en Colombie. Cette attaque vise à discréditer le travail des groupes d’avocats qui assistent les familles de victimes dans le cadre de la loi d’assistance et de réparation aux victimes du conflit, des réparations qui commence à coûter cher à l’état. Idem avec les ONGs, là l’objectif est d’induire assez de doutes dans les ambassades pour leur saper leur soutien financier. Cette attaque a donné lieu à des ripostes énergiques de la société civile. En particulier la presse indépendante a pointé du doigt les contradictions de ces accusations infondées.

Janvier 2012

Visiblement un minuscule article de la loi de restitution des terres était passé inaperçu jusqu’à ce que le président Santos l’agite comme un joker : il est stipulé que si un groupe agro-industriel (Daabon par exemple) a acquis des terres en toute bonne foi, celles-ci ne peuvent pas être restituées à leurs propriétaires légaux, les paysans expulsés (comme ceux de las Pavas). Autrement dit c’est la légalisation de l’accaparement des terres par la terreur imposée pendant des années par les paramilitaires dont la fonction était justement de faire place nette dans les campagnes afin de permettre le développement de méga-projets agro-industriels, le tout sous couvert de lutte contre la guérilla bien sûr ; et c’est loin d’être terminé.

Janvier 2012 – Févier 2013

Pas grand-chose de nouveau à vrai dire. Les paysans de las Pavas ont été confortés dans leur demande mais en pratique, sur place, c’est le status quo  (nous y reviendrons). En France, Biocoop persiste et signe, là aussi c’est le satus quo, comme prévu. Quand on a l’ambition de devenir le Lidl du bio il faut bien justifier certains choix. Au journal des bonnes nouvelles, le premier de la classe est Nature et Progrès France qui a pris l’engagement en 2012 de sortir l’huile de palme des produits autorisés dans son prochain cahier des charges, dont on attend la publication officielle dans les mois à venir. Et autre bonne nouvelle, N&P Belgique a adopté la même position, tout au moins pour ce qui est des produits acceptés dans les salons bio qu’elle organise (nous en saurons plus d’ici quelques mois). A ce jour ce sont les seuls acteurs du monde bio à avoir pris une position aussi positive. Certains transformateurs nous ont agréablement surpris en éliminant totalement l’huile de palme de leurs produits, à tel point qu’il devient presque difficile de trouver des produits en contenant (sauf à Biocoop bien sûr), en alimentaire mais aussi en cosmétique et produits d’entretien où il y a eu des progrès notables ; mais il y a encore matière à progresser.

Produits sans huile de palme bio

Vous trouverez quelques indications sur cet article qui a de moins en moins la prétention d’être exhaustif, ce qui est d’ailleurs bon signe. L’huile de palme ne dit pas toujours son nom, en particulier dans les produits d’entretien et en cosmétique. Le mieux est de s’en tenir à des produits aussi peu transformés que possible, à base de substances simples et naturelles bien connues. Cela limite le choix mais les risques également. Pour tous ces aspects nous vous recommandons le blog d’Adrien (voir en particulier les 5 racines magiques pour repérer les dérivés de l’huile de palme).

Liste des articles en rapport avec l’huile de palme bio

(par ordre chronologique inverse)

8 novembre 2012
Grand prix du Margouin bio : ma chandelle est morte…
8 novembre 2012
Grand prix du Margoulin bio :  c’est bébé qui va être content !
8 décembre 2011

Impunity ou le quotidien des rescapés du génocide colombien
6 décembre 2011
Coup de force contre les défenseurs des Droits de l’Homme en Colombie
21 octobre 2011
Daabon, Tayrona et les Kogis
17 août 2011
Biocoop et la presse
17 août 2011
Retour à Las Pavas : vidéo de Contravia
11 mai 2011
Las Pavas : première victoire officielle contre Daabon
20 avril 2011
Restitution des terres en Colombie : du discours à la réalité
11 avril 2011
Las Pavas : un retour à hauts risques
11 avril 2011
Quid de l’éthique « bio » en Suisse ?
27 février 2011
La palme d’adieu de Biocoop
25 février 2011
Daabon cloué au pilori en Colombie
22 février 2011
Las Pavas : exigeons le retour immédiat !
24 janvier 2011
Une aventure inédite de l’inspecteur Colombio
6 décembre 2010
Les dérives de la bio
19 novembre 2010
Communiqué des paysans de las Pavas
13 novembre 2010
Pan sur le bec !
12 novembre 2010
La RSPO : compromis génial ou arnaque durable ?
7 novembre 2010
Grand Prix de l’Autruche pour Biocoop !
22 octobre 2010
Produits bio sans huile de palme
12 octobre 2010
Scandale de l’AIS : Daabon & co doivent rembourser !
7 octobre 2010
Body Shop passe un savon à Daabon
24 septembre 2010
Bio ou pas bio, telle n’est pas la question
24 septembre 2010
Mais qui est donc ce Daabon ?
24 septembre 2010
L’affaire de las Pavas, un grand classique de la compétition pour la terre entre agriculture paysanne et agro-industrie
28 mai 2010
Huile de palme bio : la région de Santa Marta
8 mai 2010
Huile de palme : de la bio au durable
28 avril 2010
L’huile de palme bio ou le massacre à l’éthiquette

Réponses

  1. bonjour
    A propos de l’H de P made in France:
    j’habite dans l’aude non loin du site futur , nous venons de créer un collectif pour empecher ce projet ! nous commençons par collecter des infos sur le projet autour de toutes les problematiques; je fais un dossier sur l’HdP dans l’alimentation (ce qui m’a conduite sur ce site), d’autres pers. sur l’international, d’autres sur l’avancement du projet de la région LR et son implantation au port, sur les emplois …
    Notre collectif s’appelle: NO PALME, Nouvelle orientation pour des alternatives locales et méditerranéennes . De nombreuses orgas et citoyens sont déjà dans ce collectif , d’autres peuvent le rejoindre ; une réunion publique est prévue pour mai certainement à Port la Nouvelle. Annie Attac Aude

    • L’huile de palme Bio ou pas ne passe plus le seuil de ma maison. Cela m’a obligé à renoncer à pas mal de produits, tant pis.C’est pas la mort…

  2. Effectivement, il ne faut pas se tromper de débat !

    Produire de manière « durable » et « éthique » doit bien entendu être la priorité absolue…
    Mais de l’huile de palme, même bio et, socialement et écologiquement responsable, reste l’un DES PIRES POISONS qui soit :
    – Elle tapisse, puis bouche insidieusement vos artères jour après jour, avec à la clef AVC et infarctus du myocarde. C’est la pire huile qui soit, bourrée de graisses saturées (cholestérol).

    A bannir absolument de assiettes et de vos étiquettes: Huile de palme, palme, palmyre, et les termes plus hypocrites de « graisse végétale ou « huile végétale », car dans ces derniers cas… il s’agit le plus souvent de palme que l’industriel n’ose avouer !

    A l’inverse, les autres huiles végétales ( olive, colza, noix … ) sont excellentes pour votre santé, et si elles sont et produites de manière « durable » tout en étant issues de l’agriculture biologique… C’est parfait !

    Jean-Christophe Destailleur

  3. Bonjour,
    Nous nous sommes rencontré à la foire Humus. Comme je vous l’ai dit, j’ai envoyé un mail à Nature et Progrès pour leur demander si ça ne les gênaient pas de donner leur logo à des entreprises utilisant de l’huile de palme en provenance de Colombie. J’ai également envoyer un mail à Jean Hervet pour lui signifier que je n’achèterai plus ses produits tant qu’il y aura de l’huile de palme dedans.
    Isabelle

  4. Merci pour votre article très complet

    • Le concept de Shopwise ne manque pas d’intérêt mais on se heurte vite à ses limites.
      D’abord l’objectif : « savoir si un produit est bon pour vous ». Nous aurions préféré : savoir si ce produit 1) présente un intérêt / des risques nutritionnel(s) et 2) en savoir plus à propos des conditions de production et de transformation de ce produit et de ses composants, tant sur le plan écologique que social. Ensuite à partir de ces informations, c’est à chacun de décider s’il peut ou non en consommer en fonction de ses propres critères. Nous avons déjà assez des labels qui sont sensés nous dispenser de penser sans en plus en faire une synthèse sans les remettre en question :
      – Max Havelaar : « permet aux petits producteurs du Sud de vivre… » FAUX: permet aux petits producteurs du Sud de survivre sans la moindre chance d’échapper à leur condition précaire mais en permettant aux grands consommateurs du Nord de s’empiffrer la conscience tranquille
      – Rainforest : organisme de greenwashing bien connu, comme Proforest
      – RSPO : cynique et pitoyable tentative de manipulation de l’opinion publique pour mieux faire accepter l’huile de palme dans nos assiettes et demain dans notre réservoir (cf; article sur la RSPO)
      – N&P : une des rares certifications à inclure des critères sociaux et écologiques selon un processus de garantie citoyenne et non pas par un tiers spécialisé
      Quant à l’application sur téléphone… à quand un test d’utilité ?

  5. […] critères pour la production d’huile de palme  [7] RSPO ou la mauvaise blague du durable [8] Huile de palme bio [9] La RSPO : compromis génial ou arnaque durable ? [10] principaux labels [11] L’épineuse affaire de l’huile de palme bio colombienne [12] l’huile de palme bio ou le massacre à l’étiquette [13] Une huile de palme « durable » est-elle possible […]

    • La communauté Vegan a toute notre sympathie, surtout quand elle cherche des solutions de substitution à l’huile de palme y compris bio au lieu de tergiverser. Vivre en harmonie avec ses principes est un combat permanent, encore faut-il qu’il s’insère dans un tout plus large pour prendre tout son sens car si être vegan a le mérite évident de résoudre un certain nombre de problèmes ce n’est pas pour autant la panacée qui met à l’abri de graves contradictions dans un monde où la complexité des interactions nous dépasse souvent.

      • Bonjour,

        Merci pour votre message, je ne l’ai pas vu avant car j’ai cité votre article dans l’article que j’ai écrit et cela vous fait une notification.
        Une grosse partie de la communauté vegan vit au pays des bisounours au sujet de l’huile de palme RSPO, encore plus celle bio.
        Pour l’huile de palme RSPO, la polémique fait énormément de bruit de mon point de vue mais les personnes se raccrochent à cela par facilité. Beaucoup consomment des produits transformés. Même certains vegan qui ont du poids dans le milieu quand je leur donne des informations ne répondent jamais et continuent à faire l’autruche.
        L’huile de palme bio a une image idyllique auprès de beaucoup et les personnes croient ce que disent biocoop … sans se renseigner davantage.
        D’autres ne boycottent pas l’huile de palme car pour eux, le vrai problème, c’est l’huile trop utilisée, la méthode de culture et les autres huiles qui ont un moindre rendement.
        Et pourtant, vu la diversité de nourriture et les alternatives, il est facile de se passer d’huile de palme que ce soit l’alimentation ou les cosmétiques.

        Avec la population qui augmente, si celle-ci ne devient pas vegan, il y aura de moins en moins de terres vu qu’une grande partie est consacrée à l’élevage.
        Aussi, comme les autres huiles ont un moindre rendement, il est bon de réduire notre consommation d’huile globale.

        En effet, quand vous parlez d’un tout plus large, je remarque qu’il y a des vegan qui n’ont aucune préoccupation écologique ou humaine (quand celle-ci dépasse les frontières françaises). Ce qui me vaut pas mal d’incompréhensions quant au sujet de mes préoccupations.

        Merci pour votre blog.

  6. […] l'huile de palme bio ne contient pas de pesticide, pour le reste ne soyons pas trop naifs. https://avenuecolombie.wordpress.com/huile-de-palme-bio/ […]

  7. […] note par ailleurs en Colombie que là, pour éviter la mise en place de syndicats d’ouvrier qui auraient pu […]


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